Rotuli

Rotuli

À propos

Cet inventaire présente pour la première fois l’ensemble des cartulaires-rouleaux médiévaux identifiés (antérieurs à 1501) dans les collections publiques (et plus rarement privées) sur le territoire métropolitain français. Le cartulaire-rouleau peut être défini comme un recueil de copies de chartes réalisé par une personne ou une institution et ayant pris la forme du rouleau (ensemble de feuilles d’un matériau souple assemblées bout à bout et destiné à être enroulé).

Cette nouvelle entreprise d’inventaire a été réalisée dans le cadre du projet ROTULUS (2019-2022), financé par l’Agence Nationale de la Recherche et porté par le Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire (Université de Lorraine), projet pour lequel a été constituée une équipe de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et d’archivistes de différentes institutions.

On trouvera ici, pour chaque manuscrit inventorié, des données relatives aux institutions médiévales en lien avec le manuscrit, une description codicologique et des références bibliographiques. Offrant une riche matière inédite, cet inventaire constitue le socle de nouvelles recherches sur tout un pan méconnu du patrimoine médiéval.

Définitions

La définition adoptée pour le cartulaire-rouleau croise la définition d’un genre textuel, le cartulaire, proposée par le Vocabulaire international de diplomatique et celle d’une forme adoptée pour l’écrit, le rouleau, empruntée quant à elle au Vocabulaire codicologique de Denis Muzerelle. Quelques remarques s’imposent cependant. La première définition vise précisément les recueils « de copies de ses propres documents, établi[s] par une personne physique ou morale, qui dans un volume ou plus rarement dans un rouleau, transcrit ou fait transcrire […] des titres relatifs à ses biens et à ses droits et des documents concernant son histoire ou son administration […] ». Toutefois, l’historiographie a souvent qualifié de cartulaires des recueils contenant des documents relatifs à une institution mais réalisés à la demande d’une autre institution, usage historiographique que nous avons suivi. La recherche historique ne permet pas toujours de déterminer avec certitude la répartition des rôles entre le commanditaire et le rédacteur. Plusieurs personnes morales ou institutions peuvent être ainsi impliquées dans la rédaction d’un cartulaire. Très divers par l’importance numérique des unités documentaires compilées, les cartulaires-rouleaux inventoriés en comprennent parfois un très petit nombre, deux seulement pour les cas extrêmes. Certains rouleaux n’ont pas été retenus parce qu’ils ne pouvaient pas être considérés comme de « purs » cartulaires bien qu’ils comprennent des copies, voire de véritables compilations de chartes, insérées ou annexées : c’est le cas des vidimus en rouleau ou de certaines procédures judiciaires.

Tous les recueils présentés ici adoptent la forme du rotulus : le rouleau à déroulement vertical, presque toujours employé au Moyen Âge (au détriment du volumen). Parmi les cartulaires-rouleaux se trouvent des recueils formés seulement de deux peaux assemblées de largeurs identiques ou similaires. En revanche, les peaux très oblongues qui auraient pu être roulées ne sont pas concernées. Si elles ont parfois été qualifiées de rouleaux par les archivistes, elles ne présentent pas de marques d’assemblage et ne répondent pas à la définition codicologique du rouleau (elles seront simplement considérées comme des « peaux roulées »).

Des cartulaires-rouleaux perdus dont l’existence a pu être retracée ou signalée ont été également identifiés au cours du projet, mais seront ajoutés ultérieurement à l’inventaire.

De la nécessité d’un nouvel inventaire

Des entreprises antérieures de recensement des cartulaires issus de l’espace français avaient déjà permis d’identifier plusieurs cartulaires-rouleaux. En premier lieu, c’était le cas dans la Bibliographie des cartulaires d’Henri Stein. Une soixantaine de rouleaux était répertoriée au sein de la base CartulR  suite à l’important travail d’inventaire mené par l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes. Toutefois, de nombreux cartulaires en rouleaux n’avaient pas été repérés ou étaient imparfaitement qualifiés. Pour quelles raisons ? D’une part, les rouleaux ont parfois subi des conditionnements ou des atteintes gênant leur repérage (ils ont pu être pliés, démontés partiellement ou en totalité, mutilés…). D’autre part, leur forme matérielle n’a pas toujours été bien signalée dans les inventaires d’archives. Il est arrivé assez souvent que les rouleaux n’aient pas été qualifiés de cartulaires par les archivistes et les historiens du XIXe ou du XXe siècle, parce qu’ils étaient de petite taille et ne recelaient la copie que de quelques actes. La conception courante du cartulaire ciblait alors davantage des recueils plus massifs ou généraux d’une institution. Les travaux menés, surtout depuis les années 1990, sur les cartulaires mais également plus largement sur les processus de l’instrumentation aux XIe et XIIe siècles (notamment les travaux sur les originaux et sur les pancartes) ont amené à considérer plus attentivement certains recueils se caractérisant par la concision, le petit nombre d’actes contenus ou la brièveté des unités documentaires (qu’il s’agisse d’unités nativement brèves apparentées aux notices des libri traditionum ou de véritables résumés d’actes, dans la mesure où ceux-ci n’avaient pas un rôle avéré d’inventaire archivistique). Par ailleurs, même les cartulaires-rouleaux plus massifs ou plus longs, voire monumentaux n’ont pas fait l’objet d’études et sont comme restés dans l’ombre des cartulaires en codex.

Réaliser un nouvel inventaire des cartulaires-rouleaux médiévaux conservés en France est une façon de répondre à des enjeux à la fois scientifiques et patrimoniaux. D’une part, il s’agit de réévaluer la part des rouleaux au sein du mouvement de cartularisation au Moyen Âge mais aussi de comprendre si le rouleau a rempli des fonctions spécifiques. L’articulation d’une forme matérielle particulière (fabrication, manipulation, conservation…) avec certains objectifs constitue un questionnement au cœur du projet ROTULUS. D’autre part, il s’agit d’éclairer un type de manuscrit méconnu afin de requalifier tout un pan du patrimoine écrit médiéval, favorisant la connaissance de sa matérialité, pour permettre leur bonne conservation et in fine leur valorisation.

Des données codicologiques inédites sur les manuscrits

Chaque manuscrit inventorié a fait l’objet d’une description codicologique approfondie dont l’inventaire présente la synthèse.

La méthode de description établie au début du projet ROTULUS répond au souci de rendre compte des nombreuses particularités matérielles présentées par les rouleaux. Les descriptions s’appuient sur un vocabulaire emprunté en partie à la codicologie auquel sont venus s’ajouter des termes spécifiques aux rouleaux (voir le Glossaire). La matérialité de chaque document fait l’objet d’un traitement systématique : ses dimensions, son support (parchemin ou papier), le nombre de feuilles assemblées, le type d’assemblage utilisé (collage, couture), l’opistographie. Certains dispositifs matériels relativement rares sont indiqués : la présence d’un ombilic, d’une couverture, de signets par exemple.

Plusieurs manuscrits ont fait l’objet de nouvelles propositions de datations. Sont indiquées la datation du contenu (dates de l’acte le plus ancien et de l’acte le plus récent) et la datation de la rédaction.

Des données sur les producteurs, commanditaires ou institutions liées

Notre inventaire propose une identification des « acteurs », c’est-à-dire des personnes physiques ou morales impliquées dans ou concernées par la rédaction. Lorsque plusieurs acteurs ont été indiqués pour un cartulaire-rouleau, l’interprétation et l’examen scientifique doivent s’exercer afin de définir l’acteur à l’origine de la rédaction. Ainsi, pour les cartulaires-rouleaux contenant les actes d’un prieuré, deux acteurs sont généralement indiqués : l’abbaye-mère et le prieuré.

Pour chaque cartulaire-rouleau, une sélection bibliographique est proposée comportant les principales éditions et les principales études le concernant ou le mentionnant. Dans certains cas, des études plus générales ou ciblées, mais utiles à l’étude du contenu du cartulaire-rouleau sont indiquées. Les éditions isolées d’un seul acte figurant sur le rouleau ne sont pas nécessairement reprises. L’ensemble de la bibliographie est interrogeable en elle-même.

Un outil interopérable

Pensé avec le souci de partager les données et de les rendre interopérables dans le cadre de la science ouverte, le répertoire interagit avec d’autres bases ou répertoires en ligne. Sont donnés des liens vers les institutions de conservation (principalement les archives publiques et les bibliothèques) et, lorsqu’elles existent, vers les images numérisées des manuscrits. Pour mieux connaître les institutions médiévales ayant produit ou conservé des manuscrits ou encore simplement qui sont concernées par ceux-ci, une convergence est nécessaire. L’usage des référentiels Biblissima (personnes morales) permet de relier les cartulaires-rouleaux à d’autres bases ou répertoires de manuscrits enrichissant la contextualisation des productions manuscrites.

Afin de faciliter des approches spatiales, ont été géolocalisés les éléments suivants : les institutions de conservation, les personnes morales et physiques.

Un point de départ pour de nouvelles recherches

Cet inventaire contenant des données interopérables a pour ambition de servir de point de départ à de nouvelles enquêtes historiques sur l’écrit documentaire. En effet, il permet par exemple de repérer des corpus de manuscrits pour une région, une époque ou encore pour un type de commanditaires. La mise en évidence de différents ensembles de manuscrits invite à des enquêtes pour savoir s’il y a eu, par exemple, des vagues de rédaction ou une émulation entre établissements. Pour exploiter le corpus des cartulaires-rouleaux, il conviendra toutefois de le confronter à ce que l’on connaît plus généralement de la rédaction des cartulaires. Ainsi, ce répertoire permettra une prise en compte nouvelle des cartulaires-rouleaux parmi d’autres types de documents (cartulaires en codex ou en placards, registres…) au sein des recherches sur l’écrit ou plus largement sur la culture médiévale. Il s’agit également de favoriser une meilleure prise en considération archivistique d’un patrimoine manuscrit parfois fragile et jusqu’à maintenant assez méconnu (notamment à travers la prise en compte des fragments et des cartulaires-rouleaux démontés ou ayant subi diverses atteintes matérielles).

Le projet ANR JCJC ROTULUS a eu à cœur d’impulser de premières pistes de réflexion en centrant une bonne part de l’exploitation sur les cartulaires-rouleaux du monde des religieux, entre le XIe et le XIIIe siècle. Deux fonctions possibles des cartulaires-rouleaux ont été particulièrement étudiées : la constitution de dossiers relatifs à des conflits ou dossiers de défense et, par ailleurs, l’utilisation de la forme en rouleau pour faire circuler l’écrit documentaire au sein des réseaux monastiques. Les comptes-rendus des rencontres scientifiques sont publiés sur le carnet de recherche du projet. La publication d’un recueil d’articles permettra de diffuser les travaux issus de ce projet. Enfin, la circulation d’une exposition mobile (« Rotulus : un patrimoine médiéval à dérouler ») permettra de partager auprès du grand public les connaissances nouvelles en mettant en lumière une part peu connue du patrimoine écrit du Moyen Âge.